En bref
La crise actuelle des opioïdes aux États-Unis suscite des inquiétudes quant à un éventuel déplacement de la problématique vers l’Europe. Simultanément, des intoxications sévères et des décès au Canada et en Australie,ont, notamment, été attribués à la consommation d’héroïne coupée au fentanyl. Étant donné que l’héroïne est l’opioïde le plus fréquemment consommé en Europe, les informations sur la composition de l’héroïne vendue au détail sont primordiales. La présence d’adultérants, comme le fentanyl, pourrait représenter un risque pour la santé publique. Les connaissances relatives à la pureté des stupéfiants s’avèrent précieuses et devraient faire l’objet d’études régulières. Les statistiques actuelles, bien qu’utiles, n’offrent, cependant, pas une vision globale et représentative de l’héroïne vendue au détail. Le présent projet vise donc à fournir des informations actualisées sur l’héroïne vendue au détail en Belgique.
Description du projet
En raison du caractère illégal de la consommation de stupéfiants, les consommateurs d’opioïdes par injection et à haut risque constituent une population cachée qu’il est impossible d’étudier au moyen de méthodes normalisées d’échantillonnage et d’estimation. Le présent projet est une étude transversale, dans laquelle nous utilisons un concept de méthode mixte afin d’atteindre les objectifs de ce projet. Ces objectifs comprennent :
- la détermination de la pureté de l’héroïne vendue au détail en Belgique
- le recueil des données de base sur les propriétés pharmacologiques de l’héroïne vendue au détail en Belgique
- l’épidémiologie des personnes consommatrices d’héroïne
Nous avons recueilli des données sur les personnes consommant des drogues (PWUD) qui se sont rendus dans l’une des trois organisations de terrain participantes (Transit Bruxelles, MSOC Gand ou Spuitenruil Anvers) entre février et juin 2023. Les collaborations avec ces organisations, qui sont en contact direct avec les consommateurs de droques et dont l’objectif est de nouer des relations solides avec ces personnes, assurent un contact en face-à-face, améliorant ainsi également la qualité des données.
L’étude se divise en deux parties :
- Une analyse quantitative et qualitative par chromatographie en phase gazeuse, combinée à la spectrométrie de masse et à la chromatographie en phase liquide à ultra haute performance, d’échantillons d’héroïne vendue au détail visant à obtenir des données sur la pureté de l’héroïne. Outre le niveau de pureté des échantillons, les propriétés pharmacologiques, telles que la présence d’adultérants, ont également été déterminées.
- Un questionnaire portant sur les facteurs sociodémographiques, le mode d’achat et le prix, ainsi que sur la consommation d’héroïne et la polyconsommation actuelles et le traitement. Nous avons, également, demandé aux participants de nous fournir des détails concernant l’achat et les effets imprévus observés après la consommation d’héroïne.
Les données relatives à l’héroïne vendue au détail ont un impact à plusieurs niveaux :
- En cas de risques éventuels pour la santé publique liés à la consommation d’héroïne vendue au détail, les mesures politiques doivent être adaptées en conséquence.
- Les données relatives aux substances circulant sur le marché des drogues vendues au détail fournissent des informations précieuses permettant d’adapter l’analyse toxicologique et d’améliorer la qualité au sein des laboratoires d’analyses toxicologiques.
- La possibilité d’informer les hôpitaux sur les substances en circulation, aide à la préparation de l’accueil des patients en état d’intoxication se présentant aux urgences.
- Le fait de disposer d’informations en temps opportun sur le marché belge de la drogue, et plus particulièrement de l’héroïne, permet d’améliorer les opérations quotidiennes des services de réduction des risques visant à soutenir les consommateurs de drogue (PWUD).
Résultats
Les données préliminaires (n = 104) montrent que la pureté moyenne de l’héroïne dans les trois villes participantes se situe entre 11,66 % et 14,10 %. Les impuretés détectées comprennent, sans toutefois s’y limiter, de la codéine, de la morphine et de la 6-monoacétylmorphine. Une faible nombre d’adultérants a été trouvé, dont l’acétaminophène, le diacétamate, la caféine, la méthacétine, la cocaïne, la norcocaïne et le bromazépam. Aucun des échantillons n’a montré la présence de fentanyl. En outre, seuls 6,7 % des participants ont signalé avoir ressenti des effets inattendus légers, tels que des nausées, des effets accrus, des démangeaisons et une irritation locale. La triangulation des données finies mettra en évidence des paramètres pertinents, tels que la relation entre le niveau de pureté et le prix et les différences entre les villes dans la composition de l’héroïne.
